Conseils d'écriture

4 bonnes leçons scénaristiques qui viennent des séries

Vous devez sans doute vous demander pourquoi je parle de séries dans un blog de littérature. Tout simplement parce que je pense qu’elles donnent de bonnes leçons sur la construction scénaristique. Les films sont trop courts et trop condensés, alors que les séries étirent les ficelles sur la longueur, ce qui les rend plus observables. Chaque saison est construite comme le chapitre d’un livre, les arcs dramatiques doivent être pensés car moteurs d’intrigues, les défauts sont plus visibles. Bref, c’est comme une grosse loupe sur la construction narrative. Certaines sont tout à fait applicables à la littérature.

 

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  • Dr Who, ou comment distiller la trame.

Chaque saison de Dr Who suit sa propre trame. À l’intérieur, les épisodes distillent des informations qui aideront prendront tout leur sens dans l’épisode finale. Oui mais voilà, on ne les repère pas tout de suite. C’est pourquoi il faut un certain temps avant de se rendre compte que « Bad Wolf » est écrit plusieurs fois, et bien souvent dans le décor. On note bien un petit délire concernant le grand méchant loup, mais bon, comment cela aurait-il du sens ? Et puis l’épisode finale arrive et c’est la révélation. On comprend la trame finale, on se rend compte qu’on a loupé pleins de choses et on a qu’une envie : revoir la saison pour confirmer tout ça. Cette série est brillante (bon cela dit, je l’ai abandonnée après l’arrivée de Capaldi, justement à cause d’erreurs scénaristiques).

En littérature : Il faut construire ses chapitres comme des mini-saisons, avec un début, des péripéties et une fin. Chaque scène doit apporter un renseignement qui prépare la fin : une information, un objet, un trait de caractère, une évolution etc. Cela s’applique aussi aux séries de livres.

Ex : Harry Potter. Chaque tome apporte une avancée pour la résolution finale, et tous (sauf le prisonnier d’Azkaban) ont le thème sous-jacent de la mort.

 

  • Casa de Papel et l’identification des protagonistes/antagonistes

À l’heure où j’écris, je ne l’ai pas encore terminée. Pour être honnête, je n’ai pas accroché tout de suite. Les personnages principaux (les braqueurs donc), me paraissaient un peu débiles et trop déjantés. Dans ma conception du bien et du mal, j’étais contre eux et espérais que la police les piège, ou que les otages s’en sortent. Et puis j’ai commencé à trouver Tokyo sympathique, à prendre en pitié Nairobi, ou à penser que Rio n’est pas si immature que ça. Dans la 2e partie, le Professeur dit que dans un match Brésil-Cameroun en finale de coupe du monde, les téléspectateurs se tourneront vers le Cameroun, parce qu’il a moins de chance de gagner. Et c’est vrai. Cette série nous montre comment l’opinion publique se rallie tout doucement vers les braqueurs, pourtant les « méchants » de l’histoire. Et que fait le téléspectateur ? Pareil.

En littérature : cette série nous montre comment travailler la psychologie des personnages pour comprendre les motivations des protagonistes, mais aussi des antagonistes. Personnellement, je suis fan des méchants que nous comprenons et qui rendent floue la frontière entre bien et du mal.

 

  • The 100 et les dilemmes qu’on défend.

La série The 100 illustre tout à fait ce que je viens de dire. Au fil des saisons, plusieurs personnages vont être amenés à faire des choix particulièrement controversés. En fait, le principe de la série est assez simple : que seriez-vous prêt à faire pour survivre ? Certains poseront des limites à leurs actes, pour des raisons de conscience, et d’autres répondront « tout ». Les personnages se répartissent entre ces deux extrêmes. Du moins jusqu’à la saison 4. Un renversement s’opère alors quand Clarke se retrouve dans la position de ceux contre qui elle s’opposait dans la saison 1. Que faire quand il n’y a pas assez de place pour sauver tout le monde ? Faut-il choisir, et sur quels critères, ou bien mourir dans ses valeurs ? Bref, j’adore cette série qui pousse le pragmatisme à l’extrême et qui fait passer « Les enfants de la terre » (Torchwood), pour un conte pour enfant. Durant 4 saisons, je me suis retrouvée à défendre des actions que je n’aurais jamais cru défendre un jour. Et j’attends avec impatience la saison 5 pour encore m’embrouiller dans mes valeurs

En littérature : C’est assez facilement applicable, peu importe le genre. Il suffit de présenter un protagoniste avec des valeurs et des idéaux tout fait, comme un loyal bon (paladin) face à un antagoniste pragmatique. En travaillant soigneusement ce dernier, et en lui donnant de très bonnes raisons à ses agissements. Par exemple : il est difficile de défendre un génocide, mais si ceux qui étaient assassinés étaient porteurs d’une maladie incurable qui précipiterait l’humanité dans une mort certaine ?

Ex : Dans Labyrinthe, j’ai davantage compris le comportement de Thérésa que le choix final du héros.

 

  • Westworld et l’art de brouiller les pistes.

La saison 1 de Westworld est époustouflante. Je n’ai compris qu’à l’avant dernier épisode qui était en réalité Wyatt, et au dernier moment l’identité de l’homme au chapeau. Cette série manie avec génie le retournement de situation et le suspense. Comment ? En brouillant les pistes. En premier lieu, la série évolue sur plusieurs lignes temporelles qui sont difficiles à identifier. Les robots n’ayant pas la capacité à percevoir le temps, le spectateur reçoit comme eux les souvenirs qui ressurgissent : en vrac. Le deuxième procédé est celui des arcs narratifs multiples. Dolores, Maeve, Bernard, l’homme en noir, William, Ford etc. suivent tous leur propre chemin, avec leur propre but, et leur propre motivation. Jamais ils ne se retrouvent tous pour ne faire qu’une seule troupe. Ils se croisent juste un moment ou plus, ce qui provoque de profondes répercussions. Attention cependant de ne pas abuser de cette ficelle une fois qu’elle a été découverte. J’ai trouvé la saison 2 trop confuse pour cette raison.

En littérature : Il est facile de s’amuser à mélanger les lignes temporelles. Il suffit de ne pas donner d’indices sur ce sujet (saison, âge des personnages, mode de l’époque etc.). Attention cependant, pour vous, tout doit être clair et une fois les scènes remises dans le bon ordre, l’ensemble doit être cohérent. Brouiller les pistes est le principe même des romans policiers, mais cela demande beaucoup de travail en amont pour organiser correctement les détails.

 

À suivre : 4 erreurs scénaristiques que l’on retrouve trop dans les séries.

 

2 Comments

  • Julien Hirt
    novembre 15, 2018 at 4:18 am

    Très bonne idée de chronique. En plus tes exemples sont parlants et sortent des sentiers battus.

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