Après avoir parlé des huis clos, je vous propose ce mois-ci de s’intéresser aux voyages comme lieu d’action. Ce choix est intéressant, car il dégage un sentiment de liberté, de renouveau et permet de découvrir un ailleurs.
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L’intérêt
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Histoire des récits de voyage.
Les récits de voyage ne datent pas d’hier. Depuis l’Antiquité, ces histoires se diffusent avec plus ou moins d’exagération. Il ne faut pas oublier que pendant longtemps les gens voyageaient peu voire pas du tout. Avec le déclin de l’Empire romain, les expéditions se raréfient en dehors de la guerre, du commerce et des pèlerinages. La population est alors tributaire des récits d’errance des saints, des troubadours ou des héros. Pour divertir, les histoires se parent d’aventures chargées de mystères et de mauvaises rencontres.
Au contact d’autres traditions, les légendes se mêlent et se diffusent. La culture celtique est en effet friande des Immrama, ces voyages initiatiques, comme la fameuse Navigation de Saint-Brendan. Plus tard, les matières de Bretagne reprennent cette influence pour développer les errances des chevaliers de la Table Ronde (Yvain ou le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes).
Cette tradition de récit de voyage perdure au fil du temps, et encore aujourd’hui, nous aimons les lire.
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Entre dépaysement et découverte.
Choisir un paysage qui change sans cesse pour votre livre est plus contraignant qu’il n’y parait. Le décor change souvent et le trajet doit respecter une certaine cohérence. Cependant, les voyages du héros sont enrichissants. Le lecteur découvre alors un nouveau monde imaginaire ou méconnu, ce qui provoque son intérêt et sa curiosité. Ce type de récit provoque l’émerveillement. Dans Le livre des Merveilles, attribué à Marco Polo, le voyage pour la Chine est le prétexte pour décrire la cour de Gengis Khan, l’Asie et parfois des créatures imaginaires.
Aujourd’hui, alors même que les voyages sont plus fréquents, nous retrouvons dans les rayons des récits de voyage. Bernard Ollivier, notamment, a écrit plusieurs livres dans ce genre dont Longue marche : à pied de la Méditerranée jusqu’en Chine par la route de la soie.
Mais aussi : Les voyages de Gulliver de J. Swift, Le tour du monde en 80 jours de J. Vernes…
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Observer et critiquer notre monde.
Voyager permet de mettre de la distance entre son point de départ, mais aussi de se confronter à une autre culture, une autre vision de la vie voire à des problématiques différentes. Parfois, les récits de voyage ne décrivent pas un nouveau monde mais critiquent le nôtre. En mettant en lumière ce qui fonctionne ailleurs, on pointe aussi sur les excès chez nous. Dans Voyage au bout de la solitude de J. Krakauer, Christopher McCandless quitte tout pour se rendre en Alaska. Il porte un regard dur sur une société qu’il n’aime pas et dans laquelle il ne se retrouve pas. Parfois, le voyage est un prétexte à l’introspection. Seul face à lui-même, le héros va remettre en question ses choix et sa vie.
Mais aussi : La route de J. London, La route de J. Kerouac
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Ajouter de la tension
Avoir des héros qui se déplacent sans arrêt ajoute également de la tension dans le roman. Il peut s’agir d’une quête. Le héros doit rassembler plusieurs éléments pour venir à bout d’un ennemi. Dans Harry Potter et les reliques de la mort, J.K.Rowling rompt avec son cadre habituel qu’est Poudlard pour décrire le voyage de Harry qui doit réunir tous les horcruxes. Dans Les raisins de la colère de Steinbeck, les personnages quittent leur terre natale à la quête d’une nouvelle qui les accueillerait et leur procurerait du travail.
Les personnages peuvent aussi se déplacer pour fuir. Ajouter un ennemi aux trousses des héros élève la tension. Dans le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien, les deux dimensions se mêlent, la quête et la fuite. La Communauté de l’Anneau doit se rendre le plus rapidement possible à la Montagne du Destin pour détruire l’anneau, mais est également prise en chasse par les Nazguls et les Uruk hai.
Mais aussi : Le hussard sur le toit de J. Giono, La Guerre des mondes de H. G. Wells…
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Quelques exemples littéraires
L’Odyssée d’Homère
Le plus connu, le plus inévitable et le plus ancien. L’errance durant vingt ans d’Ulysse lui permet de vivre de nombreuses aventures à travers le bassin méditerranéen. Il subit les affres de Poséidon qui le mène d’île en île, de rencontre en rencontre. Saupoudrez le tout de sorcellerie et de créatures imaginaires et vous avez le livre le plus connu depuis l’Antiquité.
La petite maison dans la prairie de Laura Ingalls.
Je vous arrête tout de suite, rien à voir avec la série librement adaptée de l’autobiographie. À la fin du XIXe siècle, la famille Ingalls quitte le Wisconsin dans l’espoir d’une vie meilleure à l’Ouest. On découvre alors les États-Unis à travers le voyage en chariot et les yeux de l’auteur. À travers les différentes tentatives d’installation et les petits boulots du père, on en apprend davantage sur le mode de vie des pionniers américains, les mentalités et les préoccupations de l’époque. J’ai un souvenir particulièrement fort concernant l’expansion ferroviaire décrite par Laura. Bien que ce soit un livre qui s’adresse à la jeunesse, je le relirai volontiers. Il fait notamment partie des lectures que je souhaite transmettre à ma fille.
Wild de Cheryl Strayed
Après un divorce et une addiction, Cheryl décide de faire le Pacific Crest Trail, un chemin de randonnée relie le Canada au Mexique à travers les États-Unis. Malgré son inexpérience, elle se lance dans cette aventure qui repousse ses limites et va lui permettre de se reconstruire. Seule sur les chemins, elle repense à sa vie, au deuil de sa mère, sa dépression et ses choix. Entre paysages, introspections, mésaventures et souvenirs, le lecteur assiste à la renaissance de Cheryl. L’histoire a été adaptée en un film que je vous conseille.
La Terre des héros d’Amélie Hanser
Dans beaucoup de roman de fantasy, le héros est contraint au voyage pour les besoins de la quête. Ma trilogie ne fait pas exception. Aleya doit voyager à travers ce monde pour obtenir les parties de pouvoirs qui lui reviennent. Chacun de ses compagnons possède une bonne raison de partir sur la route. Pour Kouareï, c’est la quête de sa sœur qui motive ses déplacements. Ce type de récit permet d’ajouter de la tension. En effet, les Iirazs puis les Fomors sont à la recherche d’Aleya : demeurer au même endroit est donc dangereux pour mes personnages. Cependant, il permet surtout la découverte des différents peuples, avec chacun leurs traditions et leurs cultures.
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À l’écran.
Le cinéma n’est pas en reste concernant les « road-movie ». Beaucoup des livres cités ci-dessus ont déjà été adaptés au grand écran, mais pas seulement.
Citons le très célèbre Thelma et Louise de R. Scott qui raconte la fuite de deux amies pour un week-end de liberté. Malheureusement, tout ne va pas se passer comme prévu.
Dans Rain man de B. Levinson, les deux frères contraints de traverser les États-Unis en voiture vont apprendre à se connaitre à s’apprécier, mais vont aussi mettre en lumière les secrets de famille.
Mais aussi : The Revenant d’A.G. Iñárritu, Le salaire de la peur de Clouzot, la saga des Mad Max…
Les séries télé exploitent aussi ce type de récit. Après une saison 1 en huis clos, la saison 2 de Prison Break raconte la cavale des héros. Mais aussi : Perdus dans l’espace, Walking dead, Firefly….
Dans Stargate SG-1, l’équipe voyage sur d’autres planètes au moyen de la porte des étoiles. Le changement de lieu implique celui des intrigues. Dans ce genre, nous avons aussi : Dr Who, Star trek…
Ce genre est tellement répandu qu’il serait difficile d’en faire une liste exhaustive. Cependant, faire le choix du voyage apporte beaucoup d’avantages concernant le rythme ou l’intérêt du lecteur.
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