Mythologie

La mandragore

Halloween se rapproche et je sais que vous êtes des adeptes de mythes et de symbolismes. Si, je vois bien quels articles ont la cote sur mon site, pas la peine de le nier. Alors aujourd’hui je vous propose de faire un petit tour dans les jardins des sorcières et dans les livres botaniques avec la mandragore. C’est parti !

La mandragore, c’est quoi ?

À l’origine, c’est une plante bien réelle issue du bassin méditerranéen. Elle appartient à la famille des solanacées, et donc des tomates ou des pommes de terre. Si cette parenté peut paraitre inoffensive (quoique les connaisseurs d’Into the wild savent qu’il faut s’en méfier), sachez que certaines espèces de cette famille sont toxiques en raison de la présence d’alcaloïdes. Parmi celles-ci on retrouve également le datura, la belladone et le tabac. Pas que du bon donc !

La mandragore est célèbre pour deux caractéristiques : sa forme et sa toxicité. Car cette plante est plus curieuse qu’elle n’y parait. D’apparence inoffensive avec ses jolies petites fleurs violettes, elle cache en réalité une racine profonde à la forme biscornue et en plusieurs parties.

Je le répète, cette plante est TOXIQUE. Son ingestion vous promet un programme peu réjouissant : sécheresse buccale, somnolence, hallucinations, troubles cardiaques et respiratoires, et enfin la mort.

Usage dans la pharmacopée

Sans surprise, la mandragore a été utilisée dans la pharmacopée. Elle était connue en Égypte pour ses capacités narcotiques. Chez les auteurs grecs (Socrate, Théophraste, Dioscoride), la mandragore est recommandée pour les anesthésies et les troubles du sommeil. Elle également prescrite en cas de mélancolie (Hippocrate). Dans la Bible et au Moyen-Orient, on la conseille comme aphrodisiaque. Malgré tout, tous avertissent sur le fait qu’il ne faut pas en abuser sous peine de mort.

Son symbolisme

Ses effets toxiques, ainsi que sa forme, lui valent donc de nombreux attributs symboliques durant l’Antiquité puis au Moyen âge.

– la plante humaine:

La forme étrange des racines a rapidement évoqué celle d’un corps humain. Les deux parties de la racine sont perçues comme étant des jambes, et les autres protubérances comme des bras, voire des parties génitales. L’anthropomorphisme de la partie enterrée a donné de nombreuses représentations de la mandragore. Selon la couleur des fruits ou la présence ou les particularités, il y aurait des plantes mâles et femelles. Les auteurs ont donc imaginé une plante humaine.

Johannes von Cuba, Gart der Gesundheit, Mayence, Peter Schöffer, 1485.Münchener DigitalisierungsZentrum.

– La fertilité:

La mandragore est liée à la fertilité. De par sa forme, elle peut évoquer un fœtus. Son anthropomorphisme fascine également. La nature serait-elle capable de créer des humains à partir de la terre ? Il est donc naturel que cette plante ait été associée à la fertilité. D’ailleurs, dans la Bible, Léa consomme des mandragores pour donner un fils à Jacob (Gn 30, 14-17). La mandragore est également associée à l’accouchement, car utilisée en Égypte comme parfum pour faciliter la délivrance.

– la plante maudite des sorcières

Au Moyen âge s’installe la croyance que cette plante pousse sous les gibets ou les places des suppliciés et proviendrait du sperme des pendus. On retrouve derrière ce mythe le lien avec la fécondité. Derrière son apparition fantasque, se cache en fait la rareté de la plante dans nos contrées. Une plante maudite, aux pouvoirs étranges, mortels et hallucinogènes, il n’en fallait pas plus pour en faire l’attribut des sorcières. On raconte au XVIIe siècle que ces créatures, bien souvent de simples femmes avec de bonnes connaissances de la pharmacopée, s’enduisaient le corps d’une décoction de mandragore pour pouvoir s’envoler sur leurs balais. Le folklore évoque également sa consommation durant le sabbat.

– un talisman

On prête à la mandragore des vertus magiques lorsqu’elle est portée en talisman. Essentiellement liée à la fertilité, on lui attribue également le succès et la richesse. Lors du procès de Jeanne d’Arc, l’évêque Pierre Cauchon demande à la pucelle d’Orléans ce qu’elle a fait de sa mandragore.

– un arrachage mortel.

En raison de la forme de ses racines et parfois de leur taille, les mandragores sont réputées difficiles à arracher. Il n’en a guère fallu plus pour que tout un folklore se construise autour de sa cueillette. Le grec Théophraste recommande de « tracer autour de la mandragore trois cercles avec une épée, couper en regardant vers le levant, danser autour de l’autre et dire le plus grand nombre possible de paroles grivoises ». (Historia plantarum, IX, 8,8). Cette manœuvre permet de former une protection magique et éviter de devenir fou. Plusieurs auteurs antiques (Flavius Josèphe, Elien…), parlent d’une plante qu’on ne peut arracher à main nue ou seul sous peine de mort. L’astuce serait de sacrifier un chien pour le faire. Si on explique cela au départ par la libération de démons, la légende des cris mortels s’installe peu à peu dans le folklore.

Ibn Butlan, Tacuinum sanitatis. BnF, Latin 9333, f. 37r.Gallica (BnF).

Dans son symbolisme, la mandragore est donc une plante liée à la mort. Elle est issue de la mort (pendus) et tue par ses propriétés ou par son cri. Pourtant, elle est également rattachée à la fertilité de la terre. On peut y voir cette dualité de la vie et de la mort, souvent associée en symbolisme.

L’héritage dans la littérature :

La mandragore est une plante courante dans les traités antiques de botanique et de médecines. On la retrouve également dans la Bible sous le mot dudaim traduit aujourd’hui par le fruit de mandragore dans des passages liés à la sexualité (Gn XXX, 14 ; Cantiques des Cantiques VII, 14). Certains commentateurs rapprochent même le fruit du péché originel avec celui de la mandragore. On peut donc se demander si cet aspect aphrodisiaque de la plante ne serait pas issu de la zone proche-orientale. Par la suite, les ouvrages européens médiévaux mettent davantage l’accent sur la toxicité de la plante. La mandragore n’est pas si présente dans la littérature, contrairement au folklore. Elle n’a inspiré que peu d’auteurs dont le plus connu reste Machiavel. Cependant, J.K. Rowling a contribué à déterrer sa légende dans Harry Potter.

Harry Potter et la chambre des secrets, Chris Colombus, 2002, Warner Bros

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