Mythologie

Les rêves dans les mythologies

Dernièrement, j’ai abordé la question des rêves dans la fiction et comment leurs utilisations possibles. Pourtant, bien avant, les rêves ont aussi occupé les auteurs antiques. Aujourd’hui, j’aimerais me pencher sur leur rôle dans les anciennes religions.

Le sommeil permet de transcender les mondes

Comme j’en ai parlé précédemment, les rêves sont perçus comme un moyen pour l’âme de transcender les mondes. Où va l’esprit lorsque nous dormons ? C’est ce qui a occupé de nombreux auteurs antiques, mais aussi contemporains. On imagine que l’âme voyager à travers les mondes. Le rêve permet donc de s’affranchir des barrières physiques, et dieux, démons et morts ne s’en privent pas.

Les dieux du sommeil

Qui agit sur les rêves ? En premier lieu : les dieux. Chez les Grecs, c’est Hypnos qui symbolise le sommeil lui-même. Fait intéressant, il est le jumeau de Thanatos, le Trépas. Après tout, ne parle-t-on pas de la Mort comme le « sommeil éternel » ? Fils de la Nyx, la Nuit, selon Hésiode, il s’abat silencieusement sur les hommes, mais aussi sur les Dieux. C’est pour la bonne cause généralement, puisqu’il leur permet de réparer leur corps fatigué et de les apaiser. Il est le père de plusieurs fils dont les plus connus sont : Phobétor qui provoque la peur, Phantasos qui suscite des apparitions fantastiques et Morphée.

Pour les autres, le sommeil est davantage un état favorable pour agir.

 

Morphée , J-A Houdon, 1777 Credit: musée du Louvre

 

 

Un moyen de communication

Plusieurs mythologies conçoivent les rêves comme un moyen pour les dieux d’approcher un mortel ou de lui transmettre un message. N’oublions pas que bien souvent, l’essence divine est tellement puissante qu’elle peut tuer quiconque la voit. Cela explique donc les usurpations ou les déguisements des dieux grecs lorsqu’ils ont besoin d’agir sur Terre. Si leur présence physique n’est pas nécessaire, les rêves sont un bon moyen de communiquer avec les hommes, et ce pour plusieurs usages :

  • Prévenir

Parfois, il est impératif pour les dieux de communiquer une information au dormeur. Les rêves prémonitoires sont donc perçus comme un avertissement des dieux afin de montrer qu’un évènement va arriver. Ces songes sont d’autant plus cruels qu’ils sont inévitables, malgré les tentatives humaines. Lors de sa seconde grossesse, Hécube rêve qu’elle donne naissance à une torche enflammée qui met le feu à sa cité. Après l’accouchement, Priam abandonne son fils sur le mont Ida. Malheureusement, les dieux n’ont pas fini de jouer avec les hommes, et Pâris est secouru. (Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, livre III, 3, 12, 5)

La réalisation de rêves funestes a aussi préoccupé les dieux de l’Asgard. Alors que Baldr, fils d’Odin, est en proie à des cauchemars récurrents, on invoque une prophétesse décédée qui révèle la mort prochaine du dieu. Frigg fait alors promettre à tous les éléments (végétaux et minéraux) qu’ils ne s’en prendront pas à Baldr. Hélas, Loki apprend qu’elle a oublié le gui et s’en sert contre Baldr. (Les rêves de Baldr, manuscrit islandais AM 748 I 4to.)

  •  Soigner

L’altération de la frontière entre les mondes lors du sommeil permet également aux dieux d’agir sur le corps des hommes. L’aspect réparateur du sommeil est poussé un peu plus loin dans plusieurs sociétés antiques puisque les dieux soignent lors des rêves. Les Égyptiens possédaient des temples-sanatorium où les malades se rendaient. Durant leur sommeil, les dieux venaient les guérir.

Cette pratique de l’incubation était courante dans l’Antiquité, notamment dans le sanctuaire d’Épidaure en l’honneur d’Asclépios, le dieu grec de la médecine.

Asclépios, dieu de la médecine célèbre pour son caducée, encore aujourd’hui symbole des médecins.

  • Manipuler et ordonner

Dans l’Iliade, Zeus envoie un rêve à Agamemnon pour le pousser à reprendre les hostilités (Iliade, Chant II). Sous les traits de Nestor, il promet la victoire ce jour même, et la fin de la guerre. Par cette manipulation, Zeus obtient la fin de la trêve et la reprise de son spectacle préféré du moment.

Dans l’Odyssée, Athéna intervient en rêve auprès de Nausicaa et lui ordonne d’aller laver son linge. Ainsi, elle fait la rencontre d’Ulysse. (Odyssée, chant VI, vers 13-50)

  • Féconder

On pouvait compter sur Zeus pour de profiter des femmes endormies ! Il harcèla ainsi Io en lui insufflant des rêves érotiques chaque nuit, puis la changea en génisse pour ne pas se faire prendre par Héra (Zeus, le champion de la masculinité toxique!)

Ces visites nocturnes sont parfois l’occasion de prétendre à une ascendance divine, comme le fit Olympias au nom de son fils Alexandre le Grand. Plus tard, Suétone déclara ainsi Auguste comme étant le fils d’Apollon.

  •  Les cauchemars

Il n’y a pas que les dieux qui peuvent insuffler des rêves mauvais, ou manipuler. On a très tôt attribué les cauchemars aux mauvais esprits. Pour les Égyptiens, le dieu Bès veillait sur les dormeurs. Une amulette protégeait les malades, déjà fragilisés.

Il arrive également à des démons d’intervenir la nuit pour abuser des hommes ou de femmes. Les Mésopotamiens avaient identifié Lilu et Lititu comme le mâle et la femelle nocturne. À l’époque latine, ils prennent le nom d’incube et de succube.

Interpréter les rêves

Il est souvent difficile de comprendre la signification des rêves. Égyptiens et Mésopotamiens ont proposé des traités d’interprétation, des siècles avant Freud. Pour saisir les tenants et aboutissants des messages nocturnes, les hommes se tournaient vers les spécialistes du divin : les devins et les prêtres. L’oniromancie est considérée comme l’un des domaines divinatoires.

 

Et dans les grandes religions ?

Episode du rêve du Pharaon. Extrait du psautier dit de saint Louis (XIIIe siècle).

L’importance des rêves dans les cultures antiques a évidemment laissé des traces dans le folklore populaire, mais également dans les textes religieux. Certains motifs se retrouvent donc dans les textes sacrés des grandes religions.

Dans le judaïsme, l’idée des rêves inspirés par Dieu s’illustre avec l’exemple l’épisode du songe des sept vaches maigres et des sept vaches grasses par le Pharaon (Gén 41, 3). Pourtant, le Talmud avertit que les rêves sont durs à interpréter et comportent une part de mensonge.

Même avertissement dans l’Islam, qui distingue trois types de songes : de source divine (rahmani), satanique (shaitani) et humaine (nafsani).

Dans le christianisme, c’est Mathieu qui utilise le plus les rêves, notamment prémonitoires, par exemple pour prévenir Joseph de fuir en Égypte (Mathieu 1,20). Dans la pratique, il n’est pas rare que de retrouver des motifs antiques dans les vies des saints qui voient en rêve l’ascension d’un des leurs, reçoivent une visite angélique ou sainte. De même, il arrive que des croyants aillent dormir près de la tombe d’un saint pour qu’il les guérisse dans leur sommeil. Cependant, l’Église repousse l’interprétation, vue comme une pratique magique.

Un mot cependant sur le Bouddhisme qui prend à contrepied les autres pratiques en prônant la prise de conscience de l’état de rêve pour apprendre à le manipuler et à accéder à des connaissances. Le rêveur n’est alors plus passif, mais actif.

 

Cet article succinct ne s’intéresse hélas qu’aux mythes indo-européens. Le manque de sources (en ce qui concerne les Nordiques ou les Celtes) ou de connaissances m’empêche d’approfondir le sujet. Cependant, si vous avez des informations sur la place du rêve dans les cultures plus lointaines, je serais ravie de m’y intéresser. N’hésitez pas à me les recommander dans les commentaires. Allez, faites de beaux rêves !

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