Dernièrement, j’ai écrit deux articles sur le motif littéraire de l’orphelin. Nous avons vu que cette situation était pratique du point de vue narratif, mais également qu’elle était porteuse d’intrigues. Cependant, l’inverse est tout aussi vrai. Le héros peut tout à fait avoir encore l’un ou les deux parents et vivre de riches aventures.
La base : la relation.
On ne compte plus les livres et les films qui mettent en scène des personnages pris dans une relation compliquée avec leurs parents. Celle-ci peut tout aussi bien être positive que négative.
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Le parent abusif.
Parfois, un personnage peut avoir un parent abusif sur différents plans. Je vois souvent passer des autobiographies d’auteurs qui veulent avant tout témoigner des abus physiques ou psychologiques subis par un parent durant leur enfance. Vous pouvez reprendre ce thème dans la fiction pour décrire un personnage qui cherche à sortir de cette maltraitance, à la maintenir à distance de sa vie d’adulte, voire à se venger. Dans Poil de Carotte, Jules Renard décrit toute la haine que sa mère lui portait.
Avec ce type de relation, le thème sous-jacent est le plus souvent la quête de liberté.
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Le parent distant.
Comme je l’ai dit précédemment, la présence du parent retreint les mouvements du personnage. Normalement, c’est lui qui veuille à ce que l’enfant rentre le soir, ne fréquente pas n’importe qui, se rend à l’école, etc. Pour plusieurs raisons, son rôle ne peut pas être rempli que cela vienne de lui, ou de l’enfant. À l’adolescence, il est parfois difficile de savoir que fait son enfant, d’autant plus que celui-ci s’emploie à cacher ses agissements. Les garants de l’autorité oscillent entre resserrer le cadre ou laisser un peu plus de liberté. Dans Twilight de Stephenie Meyer, c’est Bella qui tient (injustement) son père à distance et à juste titre puisqu’aucun parent ne laisserait sa fille se promener dans les bois avec des vampires et des loups-garous. Dans Gossip Girl de Cecily von Ziegesar, les richissimes parents de l’Upper East Side ne s’intéressent pas le moins du monde à leur progéniture, soit parce que les affaires passent avant, soit parce qu’ils sont eux-mêmes englués dans leur propre névrose. Bref, clichés et psychothérapie pour tout le monde.
Ce type se prête bien aux romans jeunesse ou young adult. Cependant, on peut l’envisager avec un personnage adulte qui doit revenir auprès de ses parents pour plusieurs raisons (deuil, maladie, etc.) et doit faire face à son passé.
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Les attentes des parents.
Nos parents veulent le meilleur pour nous, et aimeraient bien qu’on fasse aussi bien qu’eux, voire mieux. Ce qui génère bien souvent des attentes envers leurs enfants : un bon métier, un beau mariage, une belle situation, etc. Dans Orgueil et Préjugés de Jane Austen, c’est finalement Mme Bennett qui cause les plus de torts à ses filles en raison de son comportement, au risque de détruire ce pour quoi elle se bat. Dans mon livre Nos cœurs noyés, les attentes de la mère de Mathieu quant à la réussite de son fils influencent son comportement.
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Les parents normaux.
Dans son état normal, le parent doit s’assurer de la sécurité, du bien-être de son enfant et de son éducation. Cette présence n’empêche par forcément le personnage à vivre des aventures. Dans Harry Potter, de J.K. Rowling, Molly Weasley fait ce qu’elle peut pour continuer à tenir son rôle de mère attentive et son autorité sur ses enfants, même à distance. D’ailleurs, la réaction des parents vis-à-vis des évènements à Poudlard n’est pas oubliée.
Dans Nos étoiles contraires de John Green, les parents d’Hazel essaient de faire au mieux face au cancer incurable de leur fille.
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Une relation étroite
Certains personnages entretiennent une relation étroite avec leurs parents. Une mère particulièrement aimante, un père attentif, un parent qui fait office de confident sont autant de façon d’exploiter la relation filiale dans la littérature. Dans Fortune de France de Robert Merle, le narrateur Pierre de Siorac entretient une relation privilégiée avec son père qui se reconnait beaucoup en lui. À l’âge adulte, bien que la distance les sépare, il continue à lui écrire et à lui demander conseil. Pour un auteur, il peut être intéressant de montrer un personnage qui se ressource chez ses parents ou bien qui se confie à eux plutôt qu’utiliser un ou une meilleure amie.
Le poids des parents
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L’éducation.
Les parents sont aussi responsables de l’éducation de leur enfant. Par elle, ils posent les bases de ce qui est acceptable ou non en termes de comportement, mais aussi des valeurs. En cela, deux personnages diffèrent et peuvent même s’opposer. La question de l’éducation peut devenir un sujet de discorde entre les personnages, mais aussi entre le héros et ses propres parents.
Dans mon livre ma chère Louise, Guillaume exècre les valeurs patriotiques et revanchardes de son père, ce qui provoque régulièrement des disputes et même le point de départ de ses malheurs.
2. L’honneur familial.
La question de l’honneur familial est un thème récurrent dans la littérature classique, et en particulier le théâtre. Dans Le Cid de Corneille et dans Roméo et Juliette de Shakespeare, ce sont les querelles des parents qui contrecarrent les projets des enfants. Ces derniers, au nom du respect dû à leur père, ne peuvent pas ouvertement s’y opposer.
3. Quand le parent est une célébrité.
Dans Battlestar Galactica, Lee peine à construire une relation avec son amiral de père.
S’il l’un des parents est une personnalité, le héros peut ressentir le poids de cet héritage. Tout le monde s’attend à ce qu’il l’égale en courage, en talents ou encore en savoir-faire. Il peut très bien ne pas vouloir suivre ses pas, ou n’avoir aucune compétence dans le domaine. Ce thème est très souvent repris dans la fiction.
Parfois, l’un des parents est tristement célèbre. Il devient alors extrêmement difficile pour le personnage de se détacher de l’ombre parentale et montrer sa propre valeur. Imaginez le fils d’un tueur en série. Il risque d’être tenu à distance et vu comme une bombe à retardement. À chaque colère, on lui reprochera sa violence.
Enfin, la notoriété peut être difficile à gérer pour un enfant. Lorsque les tabloïds guettent les moindres sorties familiales ou écarts de conduite, cela complique la construction d’un enfant et surtout d’un adolescent. De plus, les conseillers en image et les parents doivent lui mettre une grosse pression pour que sa vie semble parfaite aux médias.
Dans Le Seigneur des Anneaux de J.RR. Tolkien, Aragorn vit difficilement sa parenté avec Isildur, au point qu’il refuse le trône qui lui revient de peur de mener le Gondor à sa perte.
Quand le héros est un parent.
Nous avons parlé des orphelins qui partaient en quête de la vérité ou de leur parent. Cependant l’inverse est autant porteur d’histoires. Un parent peut aussi bien enquêter pour découvrir ce qui est arrivé à sa progéniture.
Dans La nostalgie de l’Ange, d’Alice Sebold, le père de Susie a du mal à faire le deuil de sa fille et cherche son meurtrier.
Parfois, c’est le parent qui est le protagoniste. Il se bat alors pour défendre son enfant ou le protéger, dans une histoire viscérale qui joue sur notre instinct animal. Ce qu’il peut faire dans l’intérêt de son enfant est démesuré, en mal comme en bien. Dans Jamais sans ma fille de Betty Mahmoody, l’auteure raconte comment elle tente de quitter son mari et l’Iran avec son enfant pour rentrer aux États-Unis.
Comme nous venons de le voir, les parents peuvent également être source d’intrigues, soit en raison de leur relation avec le protagoniste, soit de leur rôle dans l’histoire. Il ne faut donc pas négliger cette question de la nature et de la place de la famille pour le personnage. Toutes ces relations familiales permettent aussi servir à la construction d’une saga familiale.
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