Conseils d'écriture

Le « show don’t tell », atouts et limites.

Il m’est arrivé d’en parler plusieurs fois à travers mes articles, mais jamais d’en consacrer un entièrement à ce procédé. Alors, par ici la visite :

  1. Qu’est-ce que c’est ?

Le show don’t tell  est un procédé littéraire qui se traduit par « montre, ne le dis pas ». Cela signifie qu’au lieu de raconter, il faut le montrer. Cela ne s’applique pas aux descriptions, mais plus aux réactions des personnages.

Un exemple ? Voyons deux propositions :

Marc était triste, effondré. Son monde s’écroulait en une fraction de seconde. Puis, la sidération laissa place à la colère. Il en voulait au monde entier ! 

Ici, c’est l’auteur qui dit au lecteur ce que ressent le personnage. Le lecteur doit lui faire confiance, car il n’a aucune possibilité de se faire un avis sur le ressenti de Marc. Avec le show don’t tell, une telle scène pourrait donner :

Marc sentit les larmes couler sur ses joues. Ses jambes cédèrent sous son poids et il se retrouva à genoux sur le sol, mais peu importait. Ses yeux hagards regardaient autour de lui, dans l’espoir de trouver un signe qu’il rêvait, que tout était faux. Puis, ses sanglots cessèrent. Son poing se crispa et, sans réfléchir à son geste, vint s’écraser sur le sol. Une fois, deux fois, trois fois. À chaque choc, Marc hurlait sa fureur au monde .

Ce qui est différent dans ce second exemple, ce sont surtout les manifestations du ressenti de Marc. Le lecteur constate avec ces réactions physiques (larmes, jambes coupées, regard perdu, violence, cri) l’état d’esprit de Marc.

  1. Comment le mettre en place ?

Il existe plusieurs astuces, voici celles que j’utilise personnellement :

  • Montrer les réactions physiques.

Comme dans l’exemple précédent, je m’attache à montrer comment le personnage réagit. J’aime les scènes de dispute ou de colère, car elles permettent d’illustrer un pan de la personnalité du héros. Est-ce qu’il est violent envers lui ou les autres, est-ce qu’il préfère se taire, est-ce qu’il se met à pleurer ? Placer votre personnage devant une frustration est un bon moyen pour dévoiler qui il est, bien plus que de dire « il est colérique », « il est mélancolique ».

  • Mettre en situation

Parfois, placer votre personnage devant une situation en apparence anodine permet également d’en dire long, tout en subtilité. Par exemple avec cet extrait du Crépuscule de l’aigle. Adalide est étrangère dans sa ville et ne se sent pas intégrée. Les gens l’évitent. Plutôt que de le dire ainsi, j’ai préféré le montrer :

Là, de l’autre côté du forum, elle aperçut des passants abrités. D’un signe de tête, elle salua une connaissance qui lui répondit poliment. Elle hésita à contourner la cour pour aller discuter avec elle, mais la personne se retourna. Adalide baissa les yeux.

  • Les dialogues

Les dialogues sont un bon moyen d’éviter le show don’t tell parce que ce sont les personnages qui parlent. Dans l’extrait suivant de Les trois couleurs du printemps , je voulais montrer qu’Émilien, féru de science, et en opposition dans son caractère avec Constance, une jeune fille sensible à l’art. Plutôt que de le dire franchement, voici le dialogue :

– C’était vraiment magnifique. Les lanternes à gaz faisaient pâle figure à côté.

– C’est vrai. Dommage que le brouillard ait atténué l’éclat, mais c’est déjà une belle avancée. Voilà pourquoi j’aime le progrès. Imaginez ce qu’impliquerait une meilleure visibilité dans les rues de Paris, moins d’accidents, moins de crimes, les gens pourraient peut-être se promener davantage le soir…

– Je n’avais pas songé à tout cela, simplement à la beauté du spectacle.

  1. Les limites
  • Savoir doser.

Bien sûr, ce procédé littéraire n’est pas à utiliser en permanence, car nous aurions alors une longue suite de dialogue, et le livre deviendrait une pièce de théâtre. Parfois, il faut savoir alterner, et « dire » pour donner une explication ou un contexte à la réaction. Comme tout en écriture, il faut savoir doser.

  •  Savoir dire les choses.

Dans un article de mythcreant (je ne sais plus lequel), l’auteur décrivait comment J.K. Rowling avait manqué une occasion d’expliquer la réaction d’Harry dans Le prince de sang mêlé. Pour rappel, dans ce tome, Harry, effondré par la mort de Sirius et de plus en plus affecté par sa quête des horcruxes, devient plus sombre. Il ne cesse de rejeter ses amis, et souvent de manière très injuste. Il cesse d’être notre meilleur ami, et son comportement est parfois détestable. Dans l’article, l’auteur identifiait en fait son attitude comme des signes de profonde dépression. Seulement, l’auteur ne mentionne jamais cette possibilité. Harry passe donc pour un petit c*n au lieu de susciter de la compassion chez le lecteur. À la lumière de cette explication, je me suis réconciliée avec ce personnage. Il est dommage cependant que J.K. Rowling ne nous ait pas aidés à comprendre. Peut-être qu’une simple ligne de dialogue de la part d’Hermione soupçonnant cette souffrance aurait pu nous aider à mieux saisir la situation.

J’espère avoir pu vous aider à y voir plus clair dans ce procédé qui effraie plus d’un auteur. Et vous ? Qu’en pensez-vous ?

 

 

 

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