Conseils d'écriture

Comment construire une culture originale ? (et éviter l’ethnocentrisme)

Les mondes imaginaires offrent une liberté totale pour décrire une nouvelle culture. Lorsque nous inventons un monde, un univers, le champ des possibles est ouvert à l’infini : religion, gouvernement, géographie, physique, etc. Vous pouvez décrire un soleil bleu ou marron, une mer rose, des êtres magiques ou extraterrestres à cinq bras si le cœur vous en dit.

Hélas, notre culture terrienne (je dirais même plus occidentale) du XXIe siècle laisse des traces. Voici quelques conseils pour éviter l’ethnocentrisme:

 

  1. Éviter les rites occidentaux et modernes.

Que l’ont soit pratiquant ou non, nos vies sont régies par une série de rites et de coutumes qui n’ont en réalité pas de sens dans un monde entièrement coupé du nôtre.

Prenons l’exemple des funérailles. Bien souvent, le personnage est inhumé, ou incinéré. Son départ est l’occasion de réunir tous ses proches dans la tristesse. Vous trouvez cela normal ? Parce que vous appartenez sans doute à la culture occidentale. Pourtant, il existe de nombreux autres pratiques funéraires dans notre histoire. Pensons aux Égyptiens et à leur pratique de l’embaumement. Certaines sont même toujours utilisées. Chez les zoroastriens, les défunts sont exposés au sommet des tours de silence et dévorés par les oiseaux et la putréfaction. C’est une pratique également présente chez les peuples amérindiens. De même, la mort n’a pas besoin d’être perçue comme triste. Pour beaucoup de cultures, c’est une autre vie ailleurs, ou un retour à la nature.

Lorsque l’on s’intéresse aux autres cultures dans le monde, on se rend compte d’une grande diversité dans les rites. La prise du nom du conjoint, les tâches traditionnellement attribuées aux femmes, l’anneau ou encore la robe blanche de la mariée sont autant de leviers sur lesquels jouer pour créer une nouvelle culture.

La robe de marié en dentelle blanche de Padmé ressemble tout à fait à celles de notre culture. Et si le violet devenait le symbole du mariage dans votre culture imaginaire ? (Star Wars, L’attaque des clones)

  1. Bannir les expressions courantes.

C’est une erreur qui me fait lever les yeux au ciel. Dans un monde imaginaire, sans le moindre lien avec notre époque ou notre culture occidentale, un personnage utilise une expression française qui n’a en réalité pas lieu d’être. Pourquoi dirait-il « pour l’amour du Ciel » ou encore « Dieu merci » ? Même s’il est monothéiste, il y a fort à parier que son dieu ait un autre nom que le nôtre, alors pourquoi reprendre ça ?  Dans la série The 100, les criminels sont envoyés dans l’espace, ce qui a donné l’insulte « Va te faire dériver ». Dans Battlestar Galactica, le juron « Frak » est devenu célèbre.

Comment y remédier ? En vous relisant. Lorsque j’ai pris conscience de ses automatismes dans mon écriture, j’ai repris chacune de ces expressions pour en inventer une propre à mon monde. Dans La Terre des héros, je joue même avec ces petites différences. Cette révélation m’aide aussi beaucoup à ne pas faire d’anachronisme dans mes romans historiques.

 

  1. Trouver de nouveaux gestes.

La communication non verbale est essentielle lorsque nous écrivons. Elle permet de pratiquer le fameux « show don’t tell » si cher à nos cœurs. Pourtant, encore une fois, une série de gestes n’ont pas la même signification d’un pays à l’autre. Par exemple, un pouce en l’air signifie « super », en Iran, cela équivaut à un doigt d’honneur.

C’est un détail qui me surprend toujours dans les films de science-fiction. Est-ce que le baiser sur la bouche est une démonstration d’affection universelle ? Peut-être que pour des extraterrestres, le summum de l’amour c’est poser son index sur le front de l’autre ? J’invente, mais vous voyez l’idée.

Le célèbre salut vulcain. (Star Trek)

 

  1. Écarter nos valeurs occidentales.

Hormis quelques exceptions, qui sont du reste souvent exceptionnelles même au sein de l’univers pris en exemple, le patriarcat demeure le modèle absolu. Certes, je vous vois venir « oui, mais dans Dune » « oui, mais dans The Last Airbender… ». D’accord, mais on parle de combien de peuples par rapport à ceux de ce monde ? Très peu, nous sommes d’accord. Seulement voilà, le patriarcat n’est pas universel. Il existe des systèmes matriarcaux dans le monde humain et animal, et pourquoi pas dans le vôtre ? Imaginez un peu. Au lieu d’avoir un monde construit sur la force guerrière et la violence, nous en avons qui s’est érigé sur des valeurs de procréation. D’ailleurs, durant longtemps, c’était la mère qui transmettait la noblesse.

Si ces considérations vous gênent, il a de nombreuses autres façons de proposer une culture différente. Choisissez une valeur qui soit érigée en principe absolu et construisez votre culture en fonction : la parole des anciens ou au contraire la jeunesse, le travail manuel, la pauvreté, la famille ou bien l’individu, bref n’importe quoi.
Bien souvent, ces valeurs sont liées avec la religion. Là aussi, le choix est large: monothéisme, polythéisme, culte des ancêtres, animisme etc.

Sur Orban, la capacité d’apprendre des enfants est essentielle. Une fois au summum de leurs connaissances, ils les partagent avec le reste du peuple, quitte à perdre leurs capacités intellectuelles. (Stargate SG1, Méthodes d’apprentissage S3x05)

 

  1. Se demander qui a le pouvoir.

Nous vivons dans un monde capitaliste. Ceux qui ont le pouvoir sont ceux qui ont les moyens. Doit-il pour autant être universel ? Non. D’autres modèles existent ou ont été tentés: communisme, théocratie, fascisme, junte militaire… L’histoire regorge de diversité dans l’obtention du pouvoir. Il n’est pas utile pour autant de chercher uniquement les mauvais exemples. Pour ma part, je trouve passionnant de se pencher sur les utopies qui ont été tentées. Quelles étaient les aspirations de ceux qui les ont élaborées ? Pourquoi ont-elles échoué ? Qu’aurait-il fallu pour que cela fonctionne ? Ce sont autant de pistes qui peuvent vous aider à construire un autre monde.

Savoir qui a le pouvoir ne suffit pas, il faut aussi se demander sur quoi il s’appuie pour être légitime (religion, naissance, force, peuple). Cela peut induire une stabilité ou au contraire une remise en question. Celui qui gouverne a également besoin de l’asseoir et le rappeler: construction de bâtiment en fonction des valeurs défendues, expressions langagières, célébrations, mythe fondateurs etc. Ces points sont autant de levier pour l’originalité de votre monde.

Une fois que vous avez posé les valeurs intrinsèques à votre monde, construisez un système de pouvoir en fonction. Si la famille est une valeur essentielle, alors pourquoi ne pas créer un système clanique ? Dans La Terre des héros, je me suis amusée à créer un système politique différente pour chacun de mes peuples.

Dans The 100, les commandants sont choisis en fonction de leur sang noir, puis doivent gagner un combat à mort. Le nouveau candidat reçoit alors en lui l’esprit de ses prédécesseurs. (The 100, saison 3)

 

Pour remédier à ces automatismes, il suffit bien souvent de se relire pour les repérer. Vous pouvez aussi lire des ouvrages de sociologies et vous renseigner sur ce qui se fait ailleurs. À partir de là, amusez-vous !

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