Conseils d'écriture

Le lieu d’action: la campagne

Il y a quelque temps, j’avais parlé de la ville comme lieu d’action. Vous l’avez compris, je vais aborder maintenant la campagne.

1. Le conformisme d’une zone pavillonnaire

Après avoir quitté la ville, avant de traverser les champs et la campagne profonde, se trouve le périurbain. Cette zone qui grignote sur les champs, où poussent les petites maisons pavillonnaires, les lotissements de ceux qui ont les moyens de quitter le centre-ville, mais qui restent attachés aux services citadins.

Dans la fiction, les espaces périurbains sont souvent décrits comme négatifs. Symbole de la société de consommation, les zones pavillonnaires représentent également le conformisme. Scénaristes et auteurs se plaisent à dépeindre des habitants hypocrites et envieux. Dans ce petit théâtre des apparences, un événement vient bouleverser l’organisation tacite des lieux et pousse à la révélation de secrets cachés derrière les murs. On craint de sortir du moule et de se faire remarquer. Dans Harry Potter de J.K. Rowling, les Dursley craignent plus que tout que le voisinage découvre leur neveu « bizarre ».

Il ne fait pas bon être différent à Privet Drive (Harry Potter).

Ce type de lieu est idéal donc pour un thriller ou un film d’horreur. L’élément perturbateur prend la forme d’un dangereux tueur déguisée en voisin parfait. Dans La nostalgie de l’ange, d’Alice Sebold (adapté par Peter Jackson sous le titre Lovely Bones), c’est la disparition de Susie qui fait éclater la sphère familiale d’abord, puis développe une suspicion dans le quartier, avec toujours la même question « qui aurait pu faire ça ? ».

À la télévision, l’humour a davantage sa place dans les zones pavillonnaires et traite avec plus de légèreté la différence ou au contraire la course au conformisme. Les nouveaux venus peuvent provenir d’un milieu social différent, présenter une particularité atypique pour le quartier (handicap, couleur de peaux, sexualité, etc.), voire provenir d’une culture différente. L’incompréhension et les tentatives de rapprochement sont alors des ressorts humoristiques ou bien dramatiques.

 

2. Entre identité locale et rejet.

Pour les villages plus isolés, il n’est pas rare d’observer un fort sentiment d’identité. S’il s’est effacé avec le temps dans les villages de France, on peut toujours rencontrer une personne âgée qui regrette l’arrivée des citadins, ou pire des Parisiens. Comme précédemment, le rejet et l’intégration sont des thèmes liés avec ce choix de lieu d’action.

Dans Jean de Florette, de Marcel Pagnol, la haine d’Ugolin et de son oncle envers Jean et sa famille, qui proviennent d’une petite ville voisine, prend des propensions dramatiques. Cette querelle de clocher a également donné le célèbre livre La Guerre des boutons de Louis Pergaud, dans lequel les enfants de deux villages rivaux se livrent à un conflit.

 

3. La jolie campagne fleurie

La campagne est parfois idéalisée. Si la ville représente la solitude, l’anonymat ou encore la décadence, la campagne symbolise le charme, le calme et la solidarité. Dans un village, tout le monde connait tout le monde. Les voisins prennent le temps d’échanger entre eux, et les petites vieilles guettent à la fenêtre la moindre voiture (ne riez pas, j’ai ça chez moi). Dans une société en mal de communication et d’échanges sincères, ce retour à un cadre plus restreint plait. On ne compte plus les téléfilms décrivant un personnage en plein burn-out, ou célibataire, qui se retrouve lui-même après un séjour à la campagne. Ce type de lieu est idéal pour un retour aux sources ou une reconstruction. Dans L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux de Nicholas Evans, Grace et son cheval partent au fin fond du Montana pour se reconstruire après un grave accident.

Quand Robert Redford aide Grace, sa mère et leur cheval à se reconstruire en pleine campagne du Montana. (L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, Robert Redford, 1998)

La campagne est aussi plus authentique. Les personnages se promènent dans la nature, côtoient plus facilement des milieux sociaux diversifiés et ne sont pas corrompus par la course aux apparences citadines. La littérature anglaise est friande de ces petits cottages fleuris et perdus dans la lande : Jane Eyre de Charlotte Bronté, Poldark de Winston Graham ou encore la bibliographie complète de Jane Austen sentent bon la campagne anglaise. Il faut dire que c’est un paysage que l’on retrouve beaucoup dans les romans historiques du fait qu’il a longtemps accueilli la majeure partie de la population. L’exode rural massif est un phénomène relativement récent.

 

4. Un trou perdu.

Si la campagne est idéalisée par certains, pour d’autres, c’est un enfer. La solitude, le manque d’infrastructure, l’ennui et une population présentée comme arriérée sont des composantes récurrentes dans les fictions. Parfois humoristique, cette vision peut devenir également plus dramatique. De nombreux films d’horreurs ou des thrillers se passent dans une ferme étrange ou dans un manoir abandonné. L’isolement n’est plus un avantage, mais un grave problème pour le héros qui ne trouvent pas de secours. Dans Shining, l’enfant lumière, de Stephen King, l’action se passe dans un hôtel coupé de tout durant l’hiver.

En science-fiction, la campagne est aussi un lieu idéal pour mener des expériences loin des regards indiscrets. C’est souvent là que se cachent les bases secrètes de l’armée ou les usines étranges.

 

5. Quand la campagne s’invite en ville

Dans le post-apocalyptique, ou durant le confinement, la végétation reprend ses droits. Cette vision d’une ville envahie par le sauvage peut être perçue comme une leçon écologique. La disparition de l’Homme provoque un retour au naturel, lui qui est responsable de la dégradation de la nature. Les survivants se rappellent qu’ils ne peuvent pas se nourrir de bitume et de béton et que la campagne offre les ressources nécessaires.

Pourtant ce paysage insiste sur la chute de la civilisation, avec le retour du sauvage dans un lieu qui l’avait anéanti. Les hommes se conduisent comme des animaux (zombie, malades infectés, etc.) et tout ce qui symbolisait la modernité est anéanti. La ville devient une campagne squelettique. Dans Je suis une légende de Richard Matheson, Robert Neville évolue dans un Los Angeles dévasté.

La nature envahit les restes de la ville de Prypiat, ravagée par l’explosion de Tchernobyl.

 

 

À fuir ou au contraire à rechercher, la campagne offre un cadre d’action riche en thèmes et en ressources. Rempli de beauté et de poésie ou isolé et crasseux, ce lieu n’induira pas les mêmes ressorts scénaristiques selon la vision de votre personnage et le genre littéraire choisi. Selon ce que vous voulez aborder dans votre roman, le cadre dans lequel elle va se dérouler vous apportera des atouts et des inconvénients. Vous devez donc faire attention à ces questions.

 

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