Conseils d'écriture

Les héros, tous orphelins ? (2e partie)

Partie 2 : Un orphelin, c’est pratique.

 

Dans mon précédent article, j’abordais la question du rôle des parents dans la fiction. Dans la construction d’un personnage, il est important de définir sa famille. Celle-ci a des conséquences fondamentales sur la construction psychologique et l’éducation reçue. En tant qu’auteur, un parent peut être gênant. Il peut entraver les actions du héros, en particulier pour le protéger. Pour s’en affranchir totalement, l’astuce est bien souvent d’en faire un orphelin. Il faut dire que cette solution permet également d’apporter un moteur certain à l’histoire.

 

  1. Le récit initiatique

Ceux qui me lisent le savent bien, je suis une adepte des trames narratives. Depuis que j’ai commencé à concevoir mes récits de cette façon, j’accorde beaucoup d’attention dans la conception de l’arc narratif de mes personnages principaux. Sans le moindre doute, La Terre des héros est un récit initiatique. Aleya, Kouareï et Iliane, jeunes adultes au début, se découvrent et mettent en place leur vie d’adulte tout en étant confrontés aux évènements. Or, devenir adulte, c’est apprendre à vivre sans ses parents. Voilà pourquoi il est assez courant de voir des héros orphelins. Sans personne pour les protéger, ils sont confrontés plus vite à la dure réalité. Oliver Twist, de Charles Dickens, est le parfait exemple du gamin contraint de se faire une place dans le monde tout seul.

 

  1. La quête de l’identité, ou la vérité

Un orphelin est auréolé de mystère. Durant longtemps, l’ascendance était garante d’un statut social et plus encore d’un honneur. Si elle est inconnue, le personnage ne vaut rien, pire, on suppose même qu’il est issu d’un déshonneur ou d’un pêché. Outre l’empathie du lecteur, l’auteur cherche également à montrer les mérites que son personnage aurait à s’élever des bas-fonds de la société. Durant son enfance, l’orphelin s’est sans doute pris à rêver que ses parents viendront le chercher, qu’il sera adopté, que sa vie s’améliorera. Dans Sans famille, d’Hector Malot, Rémi accumule les malheurs avant d’enfin retrouver sa famille perdue.

L’orphelin est aussi motivé par la recherche de la vérité. « Pourquoi ai-je été abandonné ? » et « Que s’est-il passé ? » sont souvent deux questions au cœur du récit. Il n’est pas rare non plus que l’auteur revienne sur une vérité énoncée au début du livre. Dans Harry Potter de J. K. Rowling, on apprend rapidement que les parents de Harry ne sont pas morts dans un accident, comme le répètent les Dursley, mais assassinés par Lord Voldemort.

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L’abandon par ses parents, le cœur de l’arc narratif de Rey. Star Wars

  1. La quête de la revanche

La mort d’un parent est un moteur narratif important. Elle peut motiver une vengeance, autant de la part du héros que de l’antagoniste. On ne compte plus les personnages qui agissent pour venger la mort d’un père ou d’une mère. Dans Jacquou le Croquant, d’Eugène le Roy, Jacquou conserve une colère contre le comte de Nansac en raison des circonstances qui ont conduit ses deux parents à la mort.

Dans d’autres cas, la mort d’un parent pousse le personnage à agir pour reprendre le flambeau ou continuer le combat initié. Il est animé par un fort sentiment de devoir ou ressent le poids de son héritage. Cette trame est récurrente chez les super-héros. Bruce Wayne perpétue l’œuvre de ses parents en luttant contre le crime et en sécurisant les rues de Gotham. Les dernières paroles de l’oncle de Peter Parker marquent profondément ses actions : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».

 

  1. La quête du parent

La perte d’un parent marque profondément un personnage. Un orphelin ressentira toujours ce manque en lui, avec un mélange de colère envers le(s) responsable(s) et un besoin d’obtenir des réponses. Deux motivations profondes qui permettent de lancer l’histoire comme nous l’avons vu plus haut. Cependant, le personnage peut également partir à la recherche d’une personne qui comblera ce manque. Celui-ci influence naturellement sa psychologie. Un orphelin peut avoir du mal à faire confiance, en partant du principe qu’il puisse être abandonné à tout instant, ou au contraire s’attacher de manière exagérée auprès de la première personne qui lui témoignera de l’affection. Dans Les petites filles modèles de la comtesse de Ségur, la pauvre Sophie parviendra enfin à s’extirper de la maltraitance de sa belle-mère. Malgré tout l’amour de Mme de Fleurville, Sophie restera marquée par ces années et ne se sentira bien souvent illégitime dans sa nouvelle famille.

Il arrive parfois que l’orphelin ne le soit pas réellement. Si l’un ou les deux parents ont été enlevés ou bien sont retenus contre leur volonté, la trame narrative inclue bien souvent la quête du parent même.

 

  1. La quête de la liberté

 

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 » Ce serait merveilleux, d’être heureux ! » Le bossu de Notre-Dame

 

Un orphelin en jeune âge est naturellement placé sous la protection d’un adulte. Cela peut être dans un orphelinat (Jane Eyre), auprès des grands-parents (Heidi), d’une belle-mère (Sophie, Blanche-Neige, Cendrillon…), d’une famille d’accueil (Cosette, Rémi) et bien souvent d’un oncle ou d’une tante (Harry Potter, Tom Sawyer etc.). Certains de ces tuteurs sont bons, d’autres nettement moins. Le héros n’aura dès lors de cesse vouloir fuir cet environnement toxique en gardant l’espoir d’être recueilli soit par une personne plus affectueuse soit d’atteindre enfin sa majorité. Or, la quête de la liberté est un thème fort dans la fiction et dans la réalité.

 

 

Comme nous avons pu le voir, le thème de l’orphelin implique plusieurs trames riches. C’est donc naturel qu’il y ait autant d’enfances malheureuses dans la fiction. J’ajoute également que cette situation est porteuse d’empathie tant auprès des autres personnages que du lecteur. C’est d’ailleurs un gag récurrent dans la série Friends, avec le personnage de Phoebe qui s’en sert pour obtenir tout ce qu’elle veut.

Ainsi, l’absence du parent est pratique, car elle permet de construire la personnalité du héros, apporte une motivation qui peut se suffire à elle-même et le libère d’une protection encombrante. Cependant, ce ressort scénaristique est moins nécessaire pour des personnages majeurs qui ont déjà coupé le cordon.

Dans un prochain article, j’aborderai la relation parent-enfant comme ressort narratif.

4 Comments

  • Julien Hirt
    septembre 17, 2019 at 6:12 am

    Remarquable et très utile, merci.

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  • […] avez été plusieurs à lire et apprécier mon post sur les orphelins. Cela m’encourage à vous proposer des articles de fond à […]

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  • Ah, les parents ! – amelie hanser, auteur
    octobre 15, 2019 at 1:06 am

    […] vu que cette situation était pratique du point de vue narratif, mais également qu’elle était porteuse d’intrigues. Cependant, l’inverse est tout aussi vrai. Le héros peut tout à fait avoir encore l’un ou les […]

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