Le pouvoir des rêves fascine. Incompréhension, interprétation, action magique, manifestation de l’inconscient : la littérature scientifique, fictive et ésotérique est abondante sur le sujet. Depuis la nuit des temps, l’homme s’interroge sur ce qui se passe lorsque nous dormons. Partons-nous dans un autre univers ? Communiquons-nous avec d’autres personnes ou d’autres lieux ? Accédons-nous à des vérités refoulées ou cachées ? Loin de moi l’idée de répondre à cette question. Si mon esprit cartésien voit les choses d’une façon rationnelle, je vais laisser parler aujourd’hui l’autrice qui est en moi.
À partir des différentes interprétations possibles, plusieurs usages des rêves peuvent être faits dans votre récit. Voici un tour d’horizon :
- Jouer sur le vrai et le faux
Je commence par l’aspect que je déteste le plus, histoire d’arracher le pansement d’un coup. C’est le principe du fantastique, jouer sur le doute. L’auteur ne tranche pas et laisse le lecteur se faire son propre avis. Toute cette aventure n’était-elle qu’un rêve ?
Personnellement, je n’aime pas du tout ce genre de fin. J’ai l’impression que l’auteur n’a pas voulu se mouiller et qu’il « m’arnaque ». Attention donc si vous choisissez cette solution. À mon sens, le sentiment de doute et de mauvais réveil suscité chez le lecteur peut être souhaitable dans un roman ou une nouvelle horrifique, puisque l’ambiance malsaine y a sa place. Ailleurs, c’est plus difficile.
Alice au pays des merveilles, de Lewis Caroll, use de cette technique. Lorsqu’Alice se réveille, à la fin de l’histoire, on ignore si tout est le fruit de son imagination.
- Les rêves prémonitoires
Nous voici là face à la seconde utilisation des rêves, et sans doute la plus courante. Depuis l’Antiquité, la prémonition possède une grande place dans les récits mythologiques, religieux et fictifs. Même l’hagiographie chrétienne en est remplie. Lors de son sommeil, le personnage est averti, par les dieux ou par la magie, de l’arrivée d’évènements à éviter. Cette caractéristique a tendance à donner trop de pouvoir au personnage. Si vous le choisissez, pensez à lui mettre des limites : les rêves prémonitoires ne sont pas systématiques, non contrôlés, ou bien pas crus. Pauvre Cassandre. A noter également le schéma récurrent de l’avenir que l’on ne peut éviter.
Je dois parler ici d’une légère variante des rêves prémonitoires : les visions probables. Ici, le personnage ne voit pas ce qui va arriver, mais ce qui pourrait arriver. C’est le choix de F. Herbert dans Dune : Paul Atréides ne voit que les possibilités.
- Le voyage transcendantal.
Le rêve permet de franchir les barrières physiques et mentales. D’ailleurs, il n’est pas rare d’y vivre des expériences physiques impossibles en temps normal : voler, voyager dans le temps et l’espace etc. D’ailleurs le chamanisme, tout comme l’hypnose, cherche à modifier l’état de conscience du participant pour lui faire accéder à d’autres dimensions. Le thème du voyage astral est récurrent en science-fiction, même s’il est souvent lié à un état de conscience ou semi-conscience du rêveur et induit donc un pouvoir.
Dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix, Harry voyage dans la tête de Voldemort et parfois de Nagini durant son sommeil. Cette transcendance lui permet notamment d’assister à l’attaque d’Arthur Weasley et de donner l’alerte.
- Communiquer entre les personnages.
En abolissant les barrières physiques, les rêves peuvent permettre aux personnages de communiquer entre eux. Deux personnages peuvent se retrouver par hasard, ou bien se donner rendez-vous durant leur sommeil. Cela sous-entend un certain pouvoir ou bien une formation dans ce domaine.
Dans La Terre des héros, les prêtresses possèdent ce pouvoir et c’est ainsi que Mireïs communique avec son ordre. Elle enseigne par la suite cette pratique à Aleya.
- Accéder à des vérités cachées.
La psychanalyse perçoit les rêves comme des manifestations de notre inconscient. Nos peurs, nos espoirs, nos secrets nous hanteraient une fois assoupis. Les rêves récurrents du personnage seraient donc un moyen pour lui faire comprendre quelque chose ou bien l’aider à régler un problème. Un traumatisme enfoui, un amour insoupçonné, une mémoire à recouvrer, les idées de manquent pas.
Dans Inception, une équipe cherche des secrets dans le plus profond de l’inconscient d’un sujet endormi. Le film est lui même une fresque sur le rêve, ses paradoxes et la difficulté de discerner le vrai du faux.
- Le visiteur nocturne.
Profitant de la difficulté pour le rêveur à discerner le vrai du faux, il arrive qu’il reçoive une visite en songe. Ce motif est sans doute issu de la mythologie grecque, si prolixe en matière de visite divine dans les songes (nous y reviendrons dans un article futur). Aujourd’hui, on le retrouve dans la science-fiction, avec le thème des enlèvements aliens pendant le sommeil.
Dans la série Stargate SG-1, Loki profite du sommeil des terriens pour faire des expériences génétiques sur eux (L’apprenti sorcier s7x03).
- La vie dans un monde rêvé
Et si les rêves nous emmenaient dans un lieu précis ? Et si nous pouvions contrôler le voyage voire même les évènements qui s’y déroulent ? C’est le thème qu’ont repris Laini Taylor, dans le Faiseur de rêves et Serge Brussolo, le syndrome du scaphandrier. La découverte de ce monde, son exploration et la question d’y rester pour vivre, que l’on retrouve aussi dans Inception, sont des problématiques abordées dans ces histoires. Le monde onirique est séduisant pour ses possibilités immenses et sa malléabilité. Tentant d’y demeurer n’est-ce pas ?
Dans le film Vanilla Sky, une société a mis au point une vie pour l’esprit, avec un scénario de rêves, pour peu qu’on ne lutte pas.
J’aime intégrer les rêves dans mes romans quand je le peux. Ce sont de puissant révélateurs ou bien des ressorts scénaristiques importants. Dans un prochain article, je m’intéresserai aux rêves dans les mythologies. En attendant, faites de beaux rêves !
Que nos yeux s’étonnent encore
Rien n’est perdu
Tant qu’on rêve encore
Que jamais personne s’endorme
Et ne rêve plus, jamais plus »
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