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Chronique de La servante écarlate

Dernièrement, j’ai lu « La servante écarlate » de Margaret Atwood. Il s’agit d’un roman dystopique écrit en 1985 qui se déroule aux États-Unis dans un futur proche. Face à la chute vertigineuse de la fécondité, un régime théocratique et totalitaire, la République de Gilead, prend le contrôle. La société est divisée selon la moralité et les fonctions reproductrices. À sa tête, les Commandants dont les Épouses sont stériles peuvent posséder des Servantes qui assureront leur descendance. Le roman suit l’histoire de l’une d’elles Defred qui raconte a posteriori sa vie, ponctuée de ses souvenirs d’avant.

 

Du roman à la série.

Le roman connaît un franc succès dans le monde anglo-saxon depuis sa sortie en 1985. Il a été adapté en film et en opéra. D’après la postface de l’auteur, il a fait beaucoup parler de lui aux États-Unis, mais c’est surtout depuis la sortie récente de la série qu’il s’est fait connaître plus largement, notamment en Europe.

Comme je l’ai adorée, j’ai voulu lire le livre, en grande partie pour en apprendre plus concernant la prise de pouvoir de la République de Gilead. Là-dessus, j’avoue que j’ai été un peu déçue. La narratrice n’en parle presque pas. L’épilogue le reproche d’ailleurs : « elle aurait pu nous apprendre beaucoup plus sur le fonctionnement de l’Empire gileadien si elle avait eu des instincts de journaliste, ou d’espionne ».

 

Intimiste et prenant.

Nous suivons donc les allées et venues des pensées et souvenirs de Defred, ainsi que son raisonnement. Cet aspect peut déstabiliser le lecteur il donne un ton intimiste à la narration. Defred n’a rien à faire la journée, en dehors des courses, des visites gynécologiques, et de son viol mensuel. Elle n’a pas le droit de se divertir ni de lire. Elle passe donc des heures dans sa chambre à penser et à tenter d’oublier son passé.

Cela pourrait être ennuyeux, mais ça ne l’est pas. Margaret Atwood arrive à nous faire sentir la monotonie, et la mélancolie, de son personnage tout en alternant les évènements. La tension est palpable dans cette société où tout le monde surveille tout le monde, et où le danger guette.

Un monde bien construit

L’auteur a très bien construit son monde. Si parfois le retard technologique se ressent, il faut penser qu’il a été écrit en 1985 et que Margaret Atwood n’a volontairement pas cherché à créer de nouvelles inventions.

L’autrice est une spécialiste des États-Unis du XVIIe et se passionne pour le fonctionnement des dictatures. Elle a donc imaginé cette société qui reprend à l’extrême les codes du puritanisme et se construit sur l’histoire de Jacob et Rachel (le Lévitique). Tout est bien organisé, tout a sa place, tout est surveillé, et les femmes sont parfaitement contrôlées. Or, l’auteur n’a volontairement utilisé que des procédés qui existent ou qui ont existé par le passé. Son monde n’est qu’un pêle-mêle de méthodes réelles. Et ça fait froid dans le dos.

 

 Et déstabilisant

Le roman m’a cependant déstabilisé pour deux raisons. La première est la forme. Il est intimiste et les pensées et dialogues ne sont pas facilement identifiables pour des raisons de ponctuation. L’autrice (ou l’éditeur ?) n’utilise ni guillemet ni tiret. Comme tout est écrit à la première personne, il m’est arrivée de ne plus savoir ce qui était dit ou pensé.

La seconde est le manque vertigineux d’espoir. La fin est abrupte. L’épilogue nous apporte une possibilité de fin heureuse, mais ne tranche pas. Comme Defred, nous ne savons pas si Luke est vivant ou pas, ni sa fille. Moira et Deglen disparaissent, tout simplement et à jamais. Je ne pensais pas dire ça, mais la série nous offre plus d’espoir.

J’ai aussi été surprise par les raisons de l’infertilité qui sévit dans le livre. Plusieurs fois, Defred avance que les agressions sur les femmes, le mode de vie occidentale voire la contraception ont un rôle à jouer. Cependant, je préfère voir cela comme un début d’intériorisation du discours officiel, d’autant plus que l’épilogue rajoute un virus de la syphilis retravaillé qui aurait muté et l’augmentation de la radioactivité comme hypothèses.

 

En conclusion :

Malgré des éléments qui m’ont rendue perplexe, je suis contente de ma lecture. J’admire le travail de l’autrice et je pense me pencher davantage sur son travail à l’avenir. « La servante écarlate » est une histoire qu’il faut connaître. Je finirais sur cette citation de l’autrice:

 

« Les pendaisons en groupe, les victimes déchiquetées par la foule, les tenues propres à chaque caste et à chaque classe ; les enfants enlevés par des régimes et remis à des officiels de hauts rangs, l’interdiction de l’apprentissage de la lecture, le déni du droit à la propriété : tout cela a des précédents, et une bonne partie d’entre eux se rencontre non pas dans d’autres cultures ou religions, mais dans la société occidentale et au sein même de la tradition chrétienne. » Margaret Atwood.

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