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Un avis sur: À l’ouest, rien de nouveau…

À l’occasion de la sortie du film sur Netflix, je me suis replongée dans la thématique de la Première Guerre mondiale. Comme j’avais lu le livre, j’étais curieuse et ravie de découvrir son adaptation. Il faut dire que j’ai lu le livre il y a quelques années, et qu’il m’avait bouleversé. Alors verdict ? C’est ici.

  • La genèse de l’œuvre :

À l’ouest, rien de nouveau est un livre de Enrich Maria Remarque paru en 1929. Il raconte l’histoire fictive de Paul Baümer, jeune allemand de 19 ans, qui s’engage de bon cœur dans le conflit 14-18. Accompagné de ses camarades de classe, tout aussi exaltés que lui, il ne tarde pas à se retrouver dans les tranchées après quelques semaines seulement d’entrainement. Peu à peu, c’est la désillusion, peu à peu, ils meurent les uns après les autres dans cette véritable boucherie.

Si le personnage est fictif, les faits eux ne le sont pas. L’histoire de Paul aurait pu être celle de n’importe quel jeune de son âge, peu importe le camp. D’ailleurs, l’auteur se sert de sa propre expérience pour décrire les tranchées. Choqué par ce qu’il a vécu, il renonce même à ses médailles. Il commence à écrire A l’Ouest, rien de nouveau en 1927.

Le livre connait un rapide succès et devient le symbole du pacifisme, alors même que l’Allemagne s’enlise dans le nationalisme. En 1930, la première adaptation de son livre est projetée dans les cinémas, mais interdite en Allemagne. Peu après, Enrich Maria Remarque est contraint à l’exil.

Une nouvelle adaptation sort en 1979, puis en 2022.

 

  • Une œuvre bouleversante !

J’ai lu A l’ouest, rien de nouveau lorsque j’écrivais Ma chère Louise. À force de voir des films, des reportages et de lettres de Poilus essentiellement placés du côté des Français et des alliés, j’avais besoin de comprendre le camp d’en face, l’ennemi. Comme je m’y attendais, la guerre n’a ni plus de sens ni plus d’humanité de l’autre côté du no man’s land. Les soldats, quel que soit le camp, la subissent dans des conditions catastrophiques. Si les tranchées allemandes légèrement mieux organisées que les françaises, les rats sont les mêmes, la boue aussi, tout comme les obus.

Paul Baümer et ses amis sont des jeunes naïfs qui ont eu le malheur de croire leur professeur exalté. Ils s’engagent la fleur au fusil, pressés de prouver leur valeur et de revenir dans quelques semaines en héros. Ils ne savent même pas ce qu’est la guerre en dehors de l’imagerie populaire. Au début du livre, on a l’impression de lire « Le clan des sept s’en va-t’en guerre » tant ils s’amusent de la situation. Ils rient de leurs expéditions à la ferme pour voler des oies au paysan du coin ou séduire des jeunes filles. Une compagnie revient moins nombreuse ? Tant mieux, il y aura plus à manger. Un ami est amputé ? On récupérera ses bottes. Au début du livre, le regard de Paul est détaché sur ce qui lui arrive. Et puis, ça change. Les amis meurent ou sont blessés, la peur s’installe, la colère aussi.

Un passage en particulier m’a énormément marqué, et m’a servi dans Ma chère Louise. Au chapitre 7, Paul est en permission. Il retourne chez lui alors que plusieurs de ses camarades manquent à l’appel. Il y a beaucoup d’émotions dans ce passage. Paul ne parvient pas à retrouver ses marques dans cette ancienne vie si lointaine. À quoi cela servirait d’ailleurs, puisqu’il doit repartir sous peu ? Il se rend aussi compte que sa famille manque de tout et que sa mère est gravement malade. Une femme lui reproche d’être en vie alors que son fils ne l’est plus et surtout, il ne peut raconter à personne ce qu’il vit. Personne ne comprendrait ni ne voudrait vraiment savoir d’ailleurs. Je me suis servi de ce passage pour aborder le désespoir de Guillaume lors de sa permission.

  • Et le film alors ?

Je dois avouer que je n’ai pas vu les versions de 1930 ni de 1979. Je ne vais juger ici que celle de 2022. Alors !

Tout d’abord, je voudrais souligner que ce retour d’intérêt pour la Première Guerre mondiale est à saluer. Il faut dire que ma génération n’a finalement pas tellement de support dessus autre que les reportages en noir et blanc à la voix soporifique qu’Arte diffusait chaque onze novembre. Enfant, je détestais ça et à l’époque je vous aurais ri au nez si vous m’aviez dit qu’un jour je m’y intéresserais. Heureusement, il y a eu quelques bons films récents, comme Un long dimanche de fiançailles (cette musique !!) ou Joyeux Noël. Quelques-uns sont sortis il y a peu : La Peur, Les fusillés, 1917, Les combattantes

Le film retrace assez bien le départ la fleur au fusil de Paul, sa grande naïveté et le discours patriotique de son professeur. On retrouve plusieurs éléments communs au livre, ainsi que les personnages principaux et la boucherie de la guerre. Hélas, c’est un peu tout.

En enlevant la camaraderie et la naïveté, on perd la compassion pour les personnages. Au point qu’on se dit qu’il aurait mieux valu faire un film différent, si c’est pour réutiliser aussi peu. La scène de la permission m’a cruellement manqué, alors que je l’avais trouvé la plus puissante du livre. Elle était aussi novatrice. D’ordinaire, on voit les soldats contents d’être en permission et retrouver ses proches. Alors que la réalité était plus compliquée, et c’est ce que le livre montrait bien. Je regrette aussi que le film passe aussi vite sur les pénuries côté allemand, car l’arrière souffrait beaucoup de la famine et des grèves.

Je ne sais pas trop pourquoi, le réalisateur a voulu sortir de l’histoire de Paul pour rajouter des scènes sur la capitulation. Mauvaise idée. Non seulement on s’éloigne du sujet, mais en plus, on sort du style du film. D’un coup, il devient informatif, alors qu’il ne l’a pas été jusque-là. C’est beaucoup de temps perdu qui aurait été mieux servi par la scène de la permission. De plus, la volonté de montrer l’absurdité de la guerre en mettant une dernière offensive alors que le général sait parfaitement que demain à 11 heures, tout sera terminé, ajoute de l’invraisemblance. Finalement, la mort de Paul est finalement bien plus choquante et vide de sens dans le livre, pourquoi vouloir la changer ?

 

A l’ouest rien de nouveau, E. Berger, 2022

Bilan :

Au fond, ce film n’est pas mauvais. Simplement, si vous vous attendez à retrouver le livre, vous serez déçus. Mon mari qui ne connaissait pas du tout le roman a apprécié le film à sa juste valeur. Pour moi, c’est différent. J’en sors frustrée de ne pas avoir retrouvé toute cette charge émotionnelle qui fait la force de A l’ouest, rien de nouveau. Je vous conseille la lecture du livre, qui demeure un grand classique de la littérature sur le sujet, et qui a le mérite de présenter le camp allemand.

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Ma chère Louise

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